Source: www.deportation-homosexuelle.org Montpellier le 07 Novembre 2007
De nouvelles recherches sur les archives
confirment la déportation
pour motif d’homosexualité
depuis la France
pendant la 2nde Guerre Mondiale
Le Mémorial de la Déportation Homosexuelle (MDH) vient de prendre connaissance avec satisfaction des résultats des derniers travaux conduits par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation (FMD) sur la déportation pour motif d’homosexualité depuis la France pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Dans le cadre de la convention triennale (2005-2007) qui lie le Ministère de la Défense et des Anciens Combattants et la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, une équipe basée au Mémorial de Caen, a travaillé sur la déportation depuis la France pour motif de répression (résistants, otages, communistes, syndicalistes, militaires, homosexuels).
Depuis plusieurs années le MDH demande aux Ministres des Anciens Combattants successifs de mandater des recherches sur la déportation pour motif d’homosexualité depuis la France.
En 2001, un rapport évoquant une première liste de 210 victimes de déportation pour homosexualité fut rendu par le Colonel Claude MERCIER pour le compte de la FMD.
Nous avions accueilli ce rapport comme une base de départ, c’est pourquoi nous avions plaidé pour une nécessaire poursuite des recherches sur les archives.
Les nouvelles conclusions rendues évoquent le sort de 63 victimes dont la déportation pour motif d’homosexualité (depuis la France) est désormais prouvée grâce à des éléments probants (identité des personnes ; date et lieu d’arrestation ; motif de condamnation et date du jugement ; date de remise aux forces allemandes ; date et lieu de départ en convoi ; date et nom du camp d’internement ; date de décès ou de libération ; motif de libération : décès, fin de la peine, enrôlement de force dans l’armée allemande sur le front de l’est, ou libération des camps par les forces alliées).
Si les nouvelles recherches écartent volontairement certains cas pourtant recensés dans le rapport Mercier de 2001, c’est pour s’attacher à mettre à jour des parcours complets et donc irréfutables.
Aujourd’hui il est clairement établi que même si elle était marginale (- de 1%) la déportation depuis la France pour motif d’homosexualité est une réalité historique incontestable.
Les principaux résultats des nouvelles recherches de la FMD sur la déportation depuis la France pour motif d'homosexualité :
63 cas ont été recensés à ce jour par la FMD : -
- 12 sont internés à Natzweiler
- 7 sont internés à Schirmeck
- 1 est interné à Schirmeck puis à Natzweiler
- 2 sont transférés vers des prisons du Reich
- 32 sont internés dans des prisons allemandes
- 2 sont internés à Natzweiler
- 1 est interné à Schirmeck
- 5 sont transférés au sein de transports de « politiques » vers Buchenwald (certains homosexuels portaient le triangle rouge des résistants)
- 1 est transféré dans des prisons du Reich où il est classé Paragraphe 175
- 22 sont arrêtés en Alsace-Moselle, territoires annexés au Reich
- 35 sont arrêtés au sein du Reich
- 6 sont arrêtés en zones occupées (notamment Paris)
- Au moins 11 trouvèrent la mort en déportation dont 9 dans un camp de concentration ou un commando extérieur.
Les autres informations livrées par ces nouvelles recherches :
1- L’existence de cas de déportation pour motif d’homosexualité dans la France occupée (notamment Paris) et en dehors des territoires annexés (Moselle, Bas Rhin, Haut Rhin).
Parmi les 6 cas recensés, il y a :
- Jean Henri T., artiste dramatique arrêté en 1944 à Paris car il entretenait une liaison avec un Allemand.
- Un danseur d’opéra fréquentant les bals homosexuels clandestins de Paris. Arrêté le 22 août 1943 Place Blanche, il est emprisonné à Nanterre, puis remis le 1er octobre 1943 à la Brigade Mondaine de Paris qui le livre aux forces allemandes en vue de sa déportation.
- Georges C., homosexuel âgé de 17 ans et originaire de Dreux. Arrêté à Paris en novembre 1941, il est condamné à 5 ans de prison. Interné à Fresnes, il est transféré par convoi de la Gare de l’Est en direction de Karlsruhe (Allemagne). Il meurt de tuberculose dans le camp où il fut déporté.
2- L’existence de cas de déportation pour homosexualité de Français travaillant dans le cadre du Service du Travail Obligatoire (STO) en Allemagne
Au camp de Natzweiler, parmi les 215 personnes qui travaillaient dans le cadre du STO en Allemagne et qui ont été déportés au titre du Paragraphe 175 il y a :
15 Français (tous Alsaciens et Mosellans) ont été identifiés.
171 Allemands (originaires de Berlin et Cologne), 4 Polonais, 1 Autrichien, 1 Tchèque, 1 Russe, 1 Norvégien…
33 autres travailleurs sont arrêtés en Allemagne : 1 étant interné à Schirmeck, les autres étant internés dans des prisons du Reich.
Si on estime que 91 sur 215 moururent en déportation, il faut cependant noter que le sort de 80 détenus (sur 91) reste inconnu.
8 Français moururent en déportation, 4 restèrent en vie, le destin des 3 derniers reste méconnu.
3- L’existence d’un Strasbourgeois déporté pour homosexualité ayant fait valoir ses droits à une pension
Après avoir été arrêté le 28 février 1942, condamné à une peine de prison le 11 mai 1942, il est emprisonné à la Maison d’arrêt de Mulhouse le 20 mai 1942. Sa trace est retrouvée au Camp de Schirmeck où les Allemands l’obligent à porter une casquette distinctive de couleur bleue.
Libéré en 1944, il garde le silence jusqu’en 1964, année où il sollicite une pension de la Commission Départementale chargée d’indemniser les victimes.
Ayant essuyé un refus, il forme un recours et saisit la Commission Nationale qui confirme le refus.
Il décide alors de saisir le Tribunal Administratif de sa ville. Il meurt le 9 février 1965 à l’âge de 68 ans. N’ayant ni descendant, ni héritier, la plainte disparaît avec lui.
Les nouveaux résultats révélés viennent valider a posteriori les convictions défendues par le MDH depuis sa création en 1989.
Les décennies qui ont suivi la fin de la Seconde Guerre Mondiale ont été marquées du sceau du tabou, du silence, de l’occultation et même de la négation de la déportation pour motif d’homosexualité.
Grâce à Pierre Seel (premier français à avoir témoigné de sa déportation pour motif d’homosexualité), grâce à l’engagement du journaliste militant Jean Le Bitoux, grâce à la persévérance du MDH, et plus récemment grâce aux travaux des historiens et des universitaires, nous arrivons progressivement à faire la lumière sur cette sombre page de l’Histoire de France.
Nous ne considérons pas ce nouveau rapport comme une fin en soi car de l’aveu même de ses auteurs, il reste des dizaines de cas mis à jour et dont l’itinéraire reste à reconstituer.
Aussi le MDH demande à Hervé MORIN, Ministre de la Défense et à Alain MARLEIX, Secrétaire d'Etat à la Défense d’inclure la poursuite des recherches sur la déportation pour motif d’homosexualité depuis la France dans la convention triennale (2008-2011) qui sera signée prochainement avec la Fondation pour la Mémoire de la Déportation.
Hussein BOURGI
Président du MDH
06 89 81 36 90
mdhcontact@yahoo.fr
www.deportation-homosexuelle.org
PS
* Les travaux ont été menés par une équipe coordonnée par Arnaud BOULLIGNY pour le compte de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation
* Ces résultats ont été rendus publics lors d'un colloque organisé par l'universitaire Mickaël BERTRAND et l'association Cigales à l'Université de Bourgogne (Dijon) le samedi 27 octobre dernier.